Amour caché : le sauveur et ses lasagnes

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Amour caché. J’en suis encore là à mon âge.
Dimanche, quinze heures.
Je suis au rendez-vous comme prévu. J’attends dans ma voiture sur le petit parking à cent mètres de chez lui.
Jules m’a prévenue : « Appelle-moi avant de venir, je te dirai si la voie est libre. »

J’appelle comme convenu. « C’est bon, » me répond-il, « Attends 3 minutes et viens! Ils sont en train de monter en voiture. »
J’ai de la chance cette fois, il m’est déjà arrivé d’attendre 40 minutes sur ce parking.

Pourquoi notre amour est-il devenu caché?

Voilà, notre vie, c’est devenu ça. Un amour caché.

Cela fait deux ans qu’on sort ensemble aujourd’hui même, et je suis encore plus cachée qu’une maîtresse, alors que notre relation n’a rien d’illégitime. Jules a récupéré la garde à temps plein de ses enfants suite à un énième accès de violence de leur mère. En dix jours, notre vie a basculé. Nous qui avions l’habitude de nous voir une semaine sur deux, de partir en voyage au bord de la mer, à Paris… Nous, voici subitement contraints à nous voir en cachette…de ses enfants, traumatisés par l’éloignement de leur mère. La justice lui a tout simplement interdit de les approcher.

Amour caché : le mauvais cheval

On est donc dans la phase où ses enfants sont complètement traumatisés par les événements familiaux, Jules réussit plutôt bien à refaire surface, et moi je suis « juste » un dégât collatéral. Je suis tout à fait consciente de tout ça. Je souhaite aussi protéger ses enfants, qui ne sont pas prêts à me rencontrer. Je ne suis pas vraiment rassurée par leur mère non plus et je n’ai pas envie qu’elle découvre mon identité, ni mon lieu de vie ou mes enfants. La discrétion est donc de mise.

Donc je comprends la situation, mais je suis tellement en colère ! Je n’ai personne contre qui me plaindre ! Je ne peux même pas accuser Jules et tout lui coller sur le dos. Dommage ça aurait été plus simple.
Non, je dois assumer. Je me suis mise toute seule dans cette situation de m…., je l’avais vue venir. J’ai misé sur le mauvais cheval.

Telle une grenouille dans l’eau chauffante, la pression est montée peu à peu et je me retrouve donc très en colère, impuissante, confrontée de plein fouet à ma solitude, quand bien même je suis en couple avec un homme que j’aime, et qui m’aime.

La décision de justice et la mesure d’éloignement mère/enfant me sont donc tombés dessus comme une massue.

Après une période de tristesse infinie, puis de colère et de sensation d’injustice, je me demande bien comment je vais pouvoir supporter cette situation d’amour caché.
Et tout simplement si je dois la supporter.

Amour caché : quand faut-il arrêter?


J’ai peu d’espoir qu’elle s’arrange à court terme. Et à vrai dire, être en amoureux en week-end au bord de la mer, ça n’a quand même rien à voir avec partager du temps avec Jules et ses enfants, qui ne sont fatalement pas aussi bien que les miens. C’est totalement gratuit, je ne connais pas ses enfants, mais il faut bien que je sois un peu de mauvaise foi dans ce blog.

Si je suis objective, mes enfants ne doivent pas faire rêver beaucoup de Jules non plus. Un fils de 11 ans qui ne quitte jamais son ballon de foot pour s’entrainer aux petits ponts, même dans l’appartement pour mettre la table ou pour aller aux toilettes (si, si). Une ado, bombe sexuelle en quête de liberté, plus têtue que moi et redoutable manipulatrice pour couronner le tout.

Ma seule vraie perspective réaliste est donc que tout ce petit monde se rencontre et se supporte : ses enfants, mes enfants, son chien, mon chat qui file des allergies à tout le monde (j’ai pas fini d’écrire dans ce blog si ça arrive).
Je ne sais donc pas du tout où nous allons.
Alors je vis au présent.

Sexe, Sieste et tristesse

Il est quinze heures trois, la voie est libre, je peux retrouver mon homme. Comme on ne se voit jamais, il y a un avantage indéniable : la libido est au top. On peut résumer ainsi :

  • Quinze heures trois : bonjour chéri, il m’accueille dans ses bras rassurants.
  • Quinze heures quatre : nous sommes dans le lit en train de nous sauter dessus comme des bêtes.
  • Quinze heures vingt : l’affaire est pliée de manière fort euphorisante des deux côtés. Jules s’endort pour quelques minutes. Mon modèle de Jules est très classique et s’endort, comme presque tous les Jules, au moment de papoter.

Je pique mon petit somme aussi, lovée dans ses bras, je m’apaise, j’essaie de ne pas trop penser. J’ouvre les yeux, il nous reste une heure. Je n’arrive pas à me relaxer pleinement. La situation est trop douloureuse.
C’est vraiment compliqué de savoir que tu n’as qu’une heure à passer avec quelqu’un et surtout de savoir en profiter. Tic-tac, l’heure tourne. La tristesse monte.
Je me demande si je vais y arriver.

Pourtant cet homme, je l’aime. La connexion était parfaite. Tiens, je me mets déjà au passé. Parce que la connexion est plus dure à maintenir. Finalement, j’en suis à un stade où c’est plus facile de l’avoir au téléphone et de ne pas le voir. Enfin, j’ai l’impression que ça me fait moins souffrir de raccrocher au téléphone, plutôt que de le quitter physiquement.

Nous papotons au lit mais Jules s’agite. Il commence à se relever plusieurs fois. Regarde son téléphone. J’entends des bruits dans le salon, le chien aboie. Bon, c’est bon, j’ai compris le message. Il n’est plus tranquille, il a peur que quelqu’un rentre et découvre notre amour caché. Je propose de partir.
Jules regarde sa montre. « Dix-sept heures, ça fait deux heures. »
Voilà, ça fait deux heures. C’était mon week-end libre sans enfant. J’ai passé deux heures avec lui, top chrono et je n’ai aucun espoir de le revoir cette semaine. Retour à la case solitude.

Comment bien vivre un amour caché?

Je suis submergée par une vague de tristesse, qui vient des entrailles. Je n’essaye même pas de contenir mes larmes.

J’ai passé l’âge de cacher ce genre d’émotions. Et c’est à peu près la seule manifestation que je communique à Jules. M’énerver? Lui faire des reproches? Il subit aussi la situation de justice. J’aimerais pouvoir le soutenir dans cette épreuve de vie, mais je suis confrontée à mes limites.
Alors montrer et assumer ma tristesse, c’est ce qui me reste.

Jules ne sait jamais réagir, il n’a pas encore appris qu’il n’y avait qu’à accueillir. Il est mal à l’aise, s’excuse pour son décompte horaire.

Et là, il me fait la proposition du Sauveur.

Le Sauveur ne peut pas être impuissant face à une situation de tristresse.

Le Sauveur réfléchit et cherche une solution pour ne pas me laisser partir sur cette mauvaise note. Et Jules me fait la proposition la plus incongrue qu’on m’ait jamais faite : « Est-ce que tu as quelque chose à manger chez toi ? J’ai cuisiné des lasagnes, tu veux en emporter? ».

Whaaaaat???? Si je veux des lasagnes chéri ?

Je vais lui envoyer son plat de lasagnes dans la tête, oui ! Bien sûr que non, je n’en veux pas de tes lasagnes ! Je veux les cuisiner avec toi (enfin boire un verre de vin pendant que tu les cuisines), je veux aller faire le marché avec toi ! Je veux les manger avec toi ! Je veux partager un dîner avec toi ! Tiens, même, je veux bien laver le plat.
Mais non, non, ça non, je ne veux pas manger tes lasagnes toute seule chez moi.

Les lasagnes du sauveur

Sur le chemin du retour, je m’amuse de cette proposition. Je sais bien qu’il a essayé de faire de son mieux pour que je parte moins triste. Il sait que je n’aime pas cuisiner.

J’analyse mes émotions.

Finalement, si à chaque fois que je le vois, je ressens de la tristesse, est-ce que ça vaut le coup de le voir ? Et comment je dois comprendre cette tristesse : est-ce qu’elle me guide ? À quoi j’aspire vraiment, sincèrement? Est-ce que je veux passer plus de temps avec lui? Est-ce que je suis triste parce que je sens le risque que la relation ne tienne pas, que le lien se délite? Est-ce qu’au contraire, cette tristesse montre que j’ai envie de plus, que j’ai envie d’être avec lui, que finalement c’est un bon signe ?

J’ai eu tellement de mal à trouver un partenaire qui me plait à ce point. Je suis écoeurée de la situation.

Alors, je suis rentrée chez moi et j’ai fait ce qui me nourrit, ce que je sais bien faire.
Je suis passée à l’action. À l’action professionnelle. J’ai répondu à quelques emails, j’ai préparé quelques tâches sur ma to-do list. J’ai commencé à me sentir mieux. J’ai rayé des nouvelles lignes sur ma to do. J’ai même commencé à me sentir bien. C’est pratique pour la réussite professionnelle quand le fait de travailler te déstresse. Avantage concurrentiel énorme.

En fait, je sais très bien que je n’ai pas besoin de lui pour vivre bien. Je peux être heureuse comme ça, sans lui, trouver de la ressource pour m’investir dans des projets qui me grisent et avec mes enfants. Tout peut partir de moi. Je finis la journée, assez guillerette même, en écrivant cet article et en lançant la trend #tuveuxdeslasagnes? auprès du troupeau de copines.

J’ai vu passer la vague d’émotion, j’ai accueilli pleinement la tristesse, je n’ai pas essayé de la cacher, et puis je me suis mise en action pour passer à autre chose.
Je crois que Jules n’a pas encore compris. Quand je suis triste, ce n’est pas grave, inutile de jouer au Sauveur. Il lui suffit d’ouvrir ses bras et de me serrer fort.

Myriam

6 réflexions sur “Amour caché : le sauveur et ses lasagnes”

  1. Quand on est au plus bas, surtout après avoir vu partir quelqu’un qu’on aimait, il est facile de se laisser séduire par des personnes qui, au début, paraissent très gentilles et attentionnées. Mais ce n’est pas une erreur. Parfois, ce sont justement ces rencontres-là qui nous aident à surmonter une perte et à tenir debout, même si elles ne sont pas faites pour durer.

    1. Merci pour ton commentaire et ta lecture ! Je partage complètement ton avis. Je profite de toutes ce que j’estime être des « erreurs  » sur le moment pour progresser dans ma compréhension de l’autre – et de moi- !

      1. Oui, c’est exactement ça. Il n’y avait aucun message indiquant que le commentaire était en attente de validation (pour les deux), alors j’en ai posté un nouveau.

  2. Je me suis un peu reconnue là-dedans. C’est vrai qu’on peut vite s’attacher à quelqu’un qui semble gentil quand on vient de perdre quelqu’un d’important. Ce n’est pas forcément une erreur, parfois ça aide vraiment à tenir.

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